Il y a dans nos sociétés un système de mise en condition des êtres humains qui nuit à la réflexion. Si on se laisse domestiquer par la presse, la publicité et la télévision, on perd tout recul face au monde.
Jamais je n’ai aussi bien pensé, n’ai autant vécu, n’ai aussi bien été moi-même que dans les longs voyages que j’ai fait seul à pied.
Un pays qui n’ose pas interdire la chasse à courre, les combats de coqs ou les courses de taureaux a-t-il le droit de se prétendre civilisé ? On peut en douter.
Il y a, pour moi, une pierre de touche des morales, des religions, des moeurs: l’attitude prise devant la souffrance des animaux.
Nous désirons tous ouvrir le cercle de la pensée pour arrêter sa ronde stérile.
La nature n’est ni morale ni immorale, elle est radieusement, glorieusement, amorale.
Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence ?
L’arme nucléaire, c’est la fin acceptée de l’humanité.
Nous devons apprendre à respecter la vie sous toutes ses formes : il ne faut détruire sans raison aucune de ces herbes, aucune de ces fleurs, aucun de ces animaux qui sont tous, eux aussi, des créatures de Dieu.
Le monde pourrait vivre sans tuer ni animal ni végétal.
La vie n’est pas la joie. C’est la tension dans l’effort continu ; c’est le labeur physique et le surmenage intellectuel ; c’est l’austère accomplissement du quotidien devoir.
Quel bonheur d’avoir un haut idéal moral et une forte passion scientifique vous évitant bien des tentations ou, plutôt, vous aidant à leur résister !
Le désert est beau parce qu’il est propre et ne ment pas.
Le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur, mais sans illusion.
Pour moi, il y a une montagne, la même pour tous, que nous gravissons les uns et les autres par des sentiers différents .Les uns montent par ici, d’autres par là, mais nous avons tous les uns et les autres, l’ambition ou l’espoir de nous retrouver au sommet, dans la lumière, au-dessus des nuages.
Fourrure : Elle est belle sur la bête, elle est bête sur la belle.
Peut-être l’homme est-il en voie d’humanisation mais il n’est pas moins certain qu’il demeure, et par son corps et par le redoutable poids de ses instincts ancestraux, très solidement enraciné dans le pré-humain.
Contre la religion du profit, nous devons opposer la religion de la beauté, son pain vivant, son eau vive.
J’ai eu de la chance de rencontrer le désert, ce filtre, ce révélateur. Il m’a façonné, appris l’existence.
Les hommes politiques ! … La limite de leur rayon de pensée, c’est la prochaine élection.
Il ne faut pas dire : « Ce sera toujours comme cela. » Non, cela peut changer.
L’utopie c’est simplement ce qui n’a pas encore été essayé.
L’homme est encore englué dans la barbarie. La bombe atomique est une manifestation de la folie humaine.
Le modernisme nous a transformés, et même déformés, par son enchaînement de nuisances.
Celui qui cueille une fleur dérange une étoile.
Je fais partie de la race humaine et pourtant je dis : qu’importe si l’homme disparaît du globe. Il l’aura bien mérité !
Le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire.
Des gribouillis de l’écolier à Michel-Ange en passant par les silhouettes de bisons tracées par les hommes des cavernes, la tentation artistique est irrésistible.
Nous compliquons trop nos existences. Mon père disait : « Nous sommes possédés par nos possessions. »
Les bêtes ne demandent pas qu’on les aime, elles demandent qu’on leur foute la paix.
Il est si facile, voire si agréable de se laisser engluer par la médiocrité générale, les mille petitesses de la vie quotidienne et ce qu’il faut bien nommer le démon de la matière.
Pour la première fois, à l’arrivée, je me suis étendu, immobile et fatigué. Ce n’est pourtant pas le moment de s’écouter et de se prendre en compassion. La route est encore longue jusqu’à la maison…
L’Utopie ne signifie pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. L’Utopie d’hier peut devenir la réalité, la pratique de demain.
Croire quand même, espérer quand même, aimer quand même.
L’origine de la haine, c’est la haine de l’origine.
Il y a une certaine saveur de liberté, de simplicité… une certaine fascination de l’horizon sans limites, du trajet sans détour, des nuits sans toit, de la vie sans superflu.
Et voilà comment, parti « océanographe » pour la Mauritanie, j’en revenais « saharien ». Mais je restais navigateur, n’ayant en somme changé que de monture.
Le passé est mort, seul le présent nous appartient. On a parfois des regrets de ne pas avoir su faire à temps ce qu’attendait de nous un être cher. Alors s’il y a quelque chose d’important à dire, n’attendons pas que la personne à qui le dire ait disparu.
Le nomade ignore les frontières. Sa course est ancestrale. Il suit des traces transversales pour troquer les produits de son élevage, moutons sur pied, viande séchée, fromages, beurre, artisanat du cuir. Le « paiement » se résume en semoule, dattes, sucre, thé, couvertures.
L’homme est fait pour comprendre l’Univers dans lequel il vit. C’est là sa noblesse, sa grandeur. Voilà où le mot « mystère » peut se justifier. Nous sommes entourés de mystère. La vie est un mystère considérable. J’ai beaucoup de peine à imaginer que le hasard, à lui seul, puisse suffire à expliquer le monde.
L’homme moderne a perdu le contact avec la nature.
Il faudrait apprendre tous les jours une chose au moins. Cela en ferait trois-cent-soixante-cinq par an, ce serait pas mal.
Tu te prendras à regretter tes rudes étapes, tes pieds écorchés, tes lèvres éclatées, tes sommeils, recroquevillé sous les étoiles. Et à la première occasion, comme moi, tu repartiras.
A l’heure où dans tant de domaines s’installe le règne de la monotonie et de l’uniformité, peut-être apparaîtra-t-il salutaire de méditer un instant sur les vertus de la diversité. L’union n’est pas l’uniformité.
Le présent est préparé par le passé, l’avenir est préparé par le présent. Toute vie humaine est d’un seul tenant, tout se tient.
Tout se tient, de la fleur à l’étoile.
Les gouvernements, pour résoudre le soi-disant problème du sous-développement des nomades, veulent leur sédentarisation ; autrement dit, leur mort mentale.
Je suis d’une autre race ; celle des douteux, de celle qui préfère la lutte et la défaite à l’édredon d’un optimisme satisfait.
La politique, c’est aussi l’art d’endormir l’attention et la vigilance des citoyens.
Quelle loterie que le mariage ! Quel triomphe de la chance et du hasard ! Quelle aubaine, parfois, mais souvent quel drame !
Le désert est une somme de soustractions.
Nous perdons beaucoup de notre énergie sur les chemins de traverse et les routes sans issues. C’est pourquoi l’homme doit s’extraire de cette torpeur au risque de la défaite ; creuser, creuser sans cesse pour trouver la sortie de secours.
Si nous réussissons à toucher une conscience sous une forme ou sous une autre, notre combat n’aura pas été totalement vain.
Certains choix fondamentaux orientent votre existence sans que vous vous en rendiez-compte sur le moment. Ce n’est qu’au-delà de la bifurcation que vous découvrez que vous étiez à la croisée des chemins.
Aujourd’hui la beauté d’un endroit le condamne inéluctablement, parce que, aussitôt, le tourisme s’en empare pour l’exploiter.
Écoutez les catholiques répéter Je vous salue Marie mère de Dieu tous les jours à la messe ! Qualifier cette mère de famille galiléenne de mère de Dieu, Theotokos, ça ne vous paraît pas un peu gros, tout de même ?
Le Sahara est un désert d’origine purement climatique. Décalé de quelques degrés de latitude vers le nord et transporté sous des cieux plus humides, il ne tarderait pas à se faire Bretagne, Touraine et Normandie, avec forêts, rivières, prairies, écrevisses et nénuphars.
Céder à la curiosité et au désir de s’instruire, de savoir des choses. Il n’est pas à mon sens de joie plus grande, dans me domaine de l’esprit, que de parvenir à saisir une partie du mystère du monde.
Nous avons tant besoin de raccrocher nos attitudes à quelque chose de stable, que nous ferons dire aux idées, voire aux textes, ce que nous désirons qu’ils nous disent ! Et jetterons un voile pudique sur ce qui nous gêne.
Notre civilisation occidentale souffre de logorrhée. Le silence, les silences sont enrichissants.
Mort, désespoir, ennui, sont des mots inacceptables, il faut croire quand même, espérer quand même, aimer quand même.
Le bruit des pas sur le sable, quelle musique !
On calcule la prospérité d’une nation d’après son produit national brut, mais ce n’est qu’une simple addition de tout ce qui est fait sans en défalquer les nuisances. Moi je propose qu’on essaie de calculer le Bonheur national brut.
Individuellement, tout est possible. En groupe, c’est différent. Le groupe peut se laisser dominer, manipuler, une vague ou une autre l’emporte. Toute réflexion est annihilée par l’hystérie collective.
Combien y a-t-il autour de nous de personnes capables de désigner sans laborieuses réflexions les points cardinaux ?
L’arrêt, l’immobilité retrouvée, la tension physique de l’effort soudainement relâchée, c’est une sensation merveilleuse, celle de l’arc débandé. Il vaut la peine de marcher, et de marcher dur, rien que pour le plaisir de pouvoir s’arrêter.