L’avertissement d’Henri-Jean Hugot
Ce livre fut d’abord articulé autour d’une idée qui visait essentiellement à protester contre l’habitude trop répandue de classer une partie importante des gravures rupestres sous la rubrique de la débauche, au prétexte qu’elles se référaient à la sexualité. Or, la perversion n’est pas dans l’esprit de nos ancêtres préhistoriques : elle est dans nos têtes ! En effet, la sexualité n’est qu’une conquête tardive de la conscience. Elle apparaît au moment où cette conscience braque son projecteur sur la génitalité , donc l’inn é, pour en faire cet amalgame devenu si difficile à décrypter.
L’histoire humaine nous est représentée de façon réaliste par l’immense assemblage d’animaux couvrant une bonne partie des rochers sahariens, dès que leur surface offre la possibilité de peindre ou de graver.
Il était donc normal de prendre en compte cet art rupestre, émouvant témoignage des menaces auxquelles les hommes ont dû faire face, et qui se sont impitoyablement traduites par la disparition des pluies, l’assèchement des rivières et des lacs. Or, l’eau est primordiale à toute forme de vie.
Il était donc nécessaire de montrer le peuplement du Sahara tel que ses occupants le voyaient et nous le représentèrent à partir du néolithique. Et c’est là qu’intervient mon excellent ami Maximilien Bruggmann, vieux coureur de pistes dont l’œil est aussi précis que l’objectif de sa caméra. Il a cette longue expérience des pistes, appuyée sur de nombreux carnets de notes, qui en fait un connaisseur exceptionnel ; chacune de ses photos est un document scientifique.
La préface de Théodore Monod
Quand mon excellent collègue et ami H.-J. Hugot m’a demandé quelques mots d’introduction à son ouvrage « Histoire d’une idée fausse. Le Sexe et le Désert « , je me suis souvenu que j’avais eu moi-même l’occasion de m’intéresser un jour à cet important problème.
Je me trouvais alors comme méhariste de deuxième classe dans un groupe mobile stationné dans l’Adrar Ahnet. Les vastes loisirs que m’offrait un service militaire, à coup sûr exceptionnels, allaient me permettre de me consacrer, en amateur curieux, à quelques recherches concernant la géologie et l’archéologie de la région où je nomadisais.
Les gravures rupestres que je copiais de mon mieux étaient abondantes d’ailleurs, relativement récentes et principalement libyco-berbères. A la guelta, j’avais découvert la représentation d’un accouplement humain au sujet duquel j’ai noté: «Ces gravures à caractère sexuel n’ont à aucun degré la signification obscène qu’elles auraient sur une muraille européenne et que nous lui attribuons automatiquement au premier abord, ce sont au contraire des images quasirituelles, d s sortes d’ex-voto explicatifs, puisqu’une inscription voisine, déchiffrée par Monsieur André Basset, est une courte prière sollicitant la naissance d’un fils.»
Ces simples remarques d’un amateur, vieilles de 66 ans, se voient aujourd’hui fort heureusement relayées par la présente étude due, enfin, à un archéologue compétent et qualifié et qui a toujours attaché un grand intérêt aux aspects psychiques et symboliques de l’histoire humaine. Mon ami H.-J. Hugot était en effet particulièrement ouvert à tout ce qui concerne les aspects non matériels de l’évolution de nos ancêtres.
On doit lui être reconnaissant d’avoir accepté de consacrer à un sujet d’une telle importance le présent volume, où se trouve analysé et commenté ce que représentait le sexe pour des populations habitant sur l’emplacement de l’actuel désert saharien,une savane boisée riche en grands animaux disparus depuis : éléphants, girafes, rhinocéros, antilopes, etc.
Il est juste de souligner que si l’intérêt du présent ouvrage doit beaucoup au texte de mon collègue et ami Henri-J. Hugot, la vive reconnaissance du lecteur sera due également à Maximilien Bruggmann, un vrai Saharien, et à l’habileté comme au talent duquel nous devons les si belles images illustrant cet ouvrage.
Si le domaine du sexe va se voir re présenté par une abondante imagerie rupestre, c’est qu’il s’agit avec elle de ce qui entretient au premier degré la pérennité du groupe et par conséquent la fécondité, c’est-à-dire tout simplement de la vie elle-même.
Professeur Théodore Monod